Qu’est-ce qu’un SRADDET ? Une boussole pour la transition des territoires
À première vue, le nom peut sembler barbare : SRADDET, pour Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires. Encore un acronyme technocratique ? Peut-être. Mais derrière cette appellation un peu sèche se cache en réalité un outil stratégique fondamental pour planifier l’avenir de nos régions — et affronter les défis colossaux que représentent la transition écologique, la justice sociale et le développement territorial.
Adoptés depuis 2019 dans chaque région (hors Île-de-France, Corse, et outre-mer, qui disposent de documents similaires), les SRADDET sont appelés à jouer un rôle central dans la gouvernance écologique locale. Concrètement ? Ils donnent une feuille de route à long terme (15 à 25 ans) sur des sujets aussi cruciaux que la mobilité, la biodiversité, la gestion des déchets ou encore l’adaptation au changement climatique.
Mais comment ce document fonctionne-t-il réellement ? À quoi sert-il ? Et surtout, a-t-il un vrai poids dans les décisions ? Décryptage d’un outil encore méconnu… mais décisif.
Un cadre légal ambitieux, à l’échelle régionale
Instauré par la loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) en 2015, le SRADDET est le fruit d’une volonté de mieux coordonner les politiques publiques à l’échelle régionale. Avant lui, toute une série de schémas (transport, énergie, déchets, biodiversité) coexistaient, souvent sans réelle cohérence entre eux. Le SRADDET fusionne ces documents dans un ensemble unique, plus lisible et – en théorie – plus cohérent.
Ce schéma porte sur 11 thématiques obligatoires, allant de l’aménagement du territoire à la lutte contre la pollution de l’air, en passant par :
- La mobilité des personnes et des marchandises
- La maîtrise et la valorisation de l’énergie
- La protection de la biodiversité
- La prévention et gestion des déchets
- L’habitat et la lutte contre l’artificialisation des sols
Autrement dit, nous y retrouvons toutes les dimensions clés de la transition écologique… mais aussi des leviers pour plus d’équité territoriale. Dans un pays comme la France, où les fractures territoriales s’accentuent, cela a tout son sens.
Un outil de planification, pas de gestion
Attention toutefois à ne pas surévaluer ce que le SRADDET peut faire. Il ne crée pas des routes, ne construit pas de logements sociaux, et ne décide pas directement de la tarification des transports. Le SRADDET fixe des objectifs stratégiques à long terme, assortis de règles générales, appelées « règles de compatibilité », auxquelles devront se conformer les documents locaux (Plans Locaux d’Urbanisme, Schémas de Cohérence Territoriale, etc.).
Exemple concret : si une région inscrit dans son SRADDET une règle visant à limiter l’artificialisation des sols, un PLU municipal devra respecter cette ambition lors de la planification de zones urbanisables. Même logique pour le développement des transports en commun, la gestion des déchets ou encore la préservation des espaces agricoles.
On parle ici d’un cadre d’action, d’une boussole stratégique. C’est au niveau local que les outils opérationnels s’activent – mais en respectant les orientations du SRADDET.
Qui élabore le SRADDET, et comment ?
La région est la collectivité en charge de l’élaboration du SRADDET. Mais elle ne travaille pas en vase clos. La procédure s’inscrit dans une logique de concertation étendue :
- Les collectivités locales (communes, départements, intercommunalités) sont consultées
- Les acteurs économiques, sociaux et environnementaux participent aux réflexions
- Le public peut être associé via une concertation préalable et une enquête publique
La réussite d’un SRADDET dépend donc de la qualité de cette gouvernance partagée. Et de la capacité des élu·es à entendre les alertes du terrain. Dans certaines régions, des associations écologistes ont pu peser pour intégrer des objectifs ambitieux — par exemple, un taux de réduction précis de l’artificialisation ou des cibles claires en matière de mobilité bas-carbone.
Mais soyons lucides : tous les SRADDET ne se valent pas. Certaines régions ont adopté des documents relativement conservateurs, parfois en décalage avec l’urgence climatique. L’ambition varie selon les dynamiques politiques locales… et la pression citoyenne.
Des effets concrets, mais encore fragiles
Depuis l’adoption des premiers SRADDET en 2019, quels impacts ont-ils eu ? Il est encore difficile d’en dresser un bilan complet, tant les effets se mesurent sur le temps long. Mais certaines évolutions sont déjà visibles.
Dans plusieurs régions, le SRADDET a permis de freiner des projets d’urbanisation jugés peu compatibles avec les objectifs de sobriété foncière. C’est le cas, par exemple, en Nouvelle-Aquitaine où des communes ont dû revoir leurs plans d’urbanisme pour coller aux principes du schéma régional. En Bourgogne-Franche-Comté, le SRADDET a fixé un objectif ambitieux de réduction par deux des déchets non recyclés d’ici 2030.
Mais tout cela reste fragile. Pourquoi ? Parce que les moyens contraignants restent faibles. Si un PLU est jugé non conforme aux règles du SRADDET, il peut être attaqué (par un préfet, par exemple). Mais cela suppose des recours, du temps, et souvent une mobilisation juridique peu à portée des associations ou des citoyen·nes.
Un levier à investir pour la transition écologique
Alors, faut-il se désintéresser du SRADDET, au motif de sa complexité ou de son manque de puissance ? Absolument pas. Car dans le paysage institutionnel français, c’est l’un des rares outils de planification systémique à l’échelle d’un territoire. Autrement dit, l’un des derniers endroits où l’on pense encore le temps long et où peut s’esquisser une transformation en profondeur.
Ce n’est pas un hasard si l’Agence de la transition écologique (ADEME) ou le Haut Conseil pour le Climat appellent à renforcer ces documents de planification dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone. Ou si des collectifs citoyens font campagne à l’échelle locale pour influencer la révision des SRADDET vers plus d’exemplarité climatique.
Que peut-on faire, concrètement, en tant que citoyen·ne ou acteur local ?
- Participer aux consultations publiques lors des révisions ou mises à jour du SRADDET
- Analyser le contenu du SRADDET de sa région pour comprendre les priorités (souvent disponible en ligne sur les sites des régions)
- Interroger les élus régionaux sur leurs décisions et leur volonté d’aligner les politiques régionales sur les objectifs climatiques
- Créer des alliances locales (associations, collectifs, syndicats) pour porter des propositions alternatives
Vers un renforcement de la planification écologique ?
Depuis les diverses crises climatiques, énergétiques et sanitaires qui ont marqué les années récentes, l’État français semble redécouvrir les vertus de la planification. Que ce soit à travers des annonces de « planification écologique » ou la rénovation de certaines compétences régionales, un retour du temps long s’esquisse.
Le SRADDET pourrait jouer un rôle de pivot dans cette dynamique. Mais pour cela, encore faut-il le sortir de l’ombre, le rendre lisible, débattable, appropriable. Car comme souvent avec les schémas institutionnels, tout dépend de ce qu’on en fait. Comme un plan d’architecte : s’il reste au fond du tiroir, il ne construira rien. Mobilisé, interrogé, ajusté, il peut au contraire devenir un outil puissant pour régénérer nos territoires, dans le respect des limites planétaires… et des besoins humains.
La bonne nouvelle, c’est que son contenu est transparent. La mauvaise, c’est que peu de gens s’en emparent. Et si on s’y mettait ? Vous savez désormais ce qu’est un SRADDET. La suite vous appartient.








